Born To Ride « Rambouillet Aragnouet »: un nouveau challenge épinglé pour Laurent Aucouturier

Ce sont 1212 km et 15500 m de D+ auxquels Laurent s’est une nouvelle fois attaqué. Un périple à allure libre avec 4 points de passage obligés dont une incursion en Auvergne ou Laurent aura pu prendre un peu de repos chez lui. Arrivé le 11 août à 15h 06, il a parcouru la distance en 3j 19h 12 mn.

Laurent nous complètera l’article de ses souvenirs et sensations à son retour. Pour l’instant, ses premières impressions dans le train du retour.

 » Je suis dans le train du retour via Toulouse Cahors Vierzon Bourges, après une nuit de 7h de récup. Le portable s’est mis en vrac après le CP3 à Gresignes. Désolé de n’avoir pu partager en direct l’ivresse de l’arrivée (y compris avec la bière de l’organisation). Objectifs atteints : rallier l’arrivée et éviter le coup de chaud. Encore une magnifique aventure sportive et humaine avec de nouvelles rencontres sur la route. Je débrieferai à la maison. « 

 » J’ai pris le départ de cette BTR après avoir bouclé la Route du Diable 1400km/22000 d+ un mois auparavant. Plus que le kilométrage, c’est la canicule annoncée sur le parcours qui m’inquiétait et effectivement les participants en souffriront majoritairement de Rambouillet jusqu’à Aragnouet dans les Pyrénées.
Arrivé à Paris par le train à midi gare d’Austerlitz, je rallie la gare Montparnasse et tombe sur un concurrent, vélo dans une main, roue avant dans l’autre. Mickaël GOUGAULT vient de Nantes et, après avoir démonté sa roue sur le quai de départ, a oublié son axe sur un banc. Très en avance pour le départ envisagé à 20h (on avait le choix dans une plage de 14h à 22h), je l’accompagne vers un magasin de cycles à proximité. Vendeur exclusivement Specialized, le gérant ne peut l’aider. Le pas de vis des axes de ses vélos est incompatible avec sa fourche Gensesis. Il donne rendez-vous à deux contacts parisiens dont Hugo FAYE, neveu de Guy, ancien licencié du CCME. Les axes espérés ne sont pas non plus compatibles. On appelle les magasins Genesis à proximité mais sans plus de réussite. Mickaël trouvera finalement son bonheur à Asnières chez L’Echappée Belle. Le temps de faire un aller retour en taxi, il ralliera ensuite le départ à Adainville à temps, moyennant une belle décharge d’adrénaline.
Je retourne gare Montparnasse avec Hugo où on retrouve plusieurs participants, facilement reconnaissables à leurs vélos chargés de sacoches bikepacking. C’est finalement un petit peloton qui tente difficilement de passer les portillons d’accès au quai direction Rambouillet. 35 mn de trajet et nous voilà revenus pour certains un an après sur « le lieu du crime », dans la ville départ du Paris Brest Paris 2019. Je connais un peu le centre ville et dirige le groupe pour un dernier ravitaillement avant le départ. Un repas était prévu, mais les contraintes sanitaires liées au COVID-19 on contraint l’organisation à reporter la collation au CP3 à Murat (15). Je commettrai une erreur en achetant simplement de l’eau gazeuse, quelques nectarines et de la viande séchée, comptant sur mon stock de barres de céréales et pâtes de fruits.
Adainville est à 20km environ, nous y allons à vélo par la route, puis en empruntant quelques parties non asphaltées à travers la forêt de Rambouillet. Le lieu de départ est situé dans une clairière. Beaucoup de participants sur les quelques 250 au départ ont pris la direction du CP1 dans la chaleur écrasante de l’après-midi, j’ai choisi sagement de partir à 20h. On doit être une bonne quarantaine à avoir choisi cet horaire. Je récupère mon carnet de route, le bidon offert par l’organisation et pose pour la photo souvenir. Il me semble reconnaître un journaliste accompagné d’un caméraman. Il s’agit de David SANDONA de France TV Sport et présentateur de Tout Le Sport sur France 3, venu faire une interview au sujet de l’épreuve.
Le temps de se restaurer un peu avec les emplettes faites à la supérette et de remplir les bidons, il est presque 20h. Je pointe au départ avec l’application pour smartphone mise en place par l’organisation et prends place sur la ligne de départ. Au porte voix de Luc ROYER, fondateur de Chilkoot, l’organisateur de l’événement. Un participant, Jean-Yves COUPUT, s’est donné pour défi de réaliser l’épreuve en 60h pour ses 60 ans. Je le suis instinctivement et me retrouve à partir dans « le groupe de la mort » en compagnie de cyclistes aguerris à la longue distance dont Cédric DESTOUCHES, Laurent BOURSETTE (vainqueur de la Race Across France solo sans assistance en 2019 et du Bikingman Oman en février dernier) et Steven LE HYARIC (ancien élite dans l’équipe dirigée par Eddy SEIGNEUR,et aventurier bien connu des médias).


Le rythme est soutenu mais je ne me consomme pas, je reste dans les roues pour filer à toute vitesse à travers la Beauce à la moyenne de 33km/h pour atteindre le CP1 de la forêt de Bercé à 1h25 du matin au km170. J’ai pris soin la veille du départ de confectionner un litre de café infusé à froid et donc très caféiné. En fait j’ai beaucoup bougé les jours précédents pour des marchés artisanaux, me suis couché tard, levé tôt et dormi sous tente en camping. J’accuse une petite dette de sommeil qui, avec la fatigue du train et la collation très légère au départ, m’amènent sagement à lever le pied à 3h du matin et à laisser partir le petit groupe de 3.
Je trouve miraculeusement un bar encore ouvert à cette heure au km 210, les patrons en terrasse m’offrent une demi bouteille de coca et un café. Je me couche ensuite sur le trottoir pour fermer les yeux 30mn et tenter de laisser passer une fatigue nerveuse qui me plombe. Je repars reposé et retrouve quelques concurrents avec qui on pousse jusqu’à la première boulangerie ouverte à 7h à Contres. Je repars avec Gilles RODIER, autre chevronné de la longue distance, et Marguerite MULHAUS, déjà impressionnante sur la Route du Diable en duo avec son compagnon Rémi MEJEAN. A la faveur d’un autre arrêt boulangerie, je m’arrête à Mery-les-Bois où une cafetière m’invite à venir remplir mes gourdes d’eau fraîche dans son bistrot où rien n’a dû vraiment changer depuis 50ans.
Il est samedi, 10h30, la chaleur est écrasante et je trouve mon salut un peu plus loin à Henrichemont (18) avec une épicerie où je dénicherai mon meilleur allié pour la suite de l’aventure : un gâteau de riz format familial « La Laitière » de 500g. Croyez-moi, quand vous avez vraiment faim, la livre est vite engloutie ! Au centre de la place trône une fontaine et j’y plonge joyeusement les jambes avant de me jeter sous le robinet pour y détremper tête, gapette et maillot. Boire et s’arroser seront une occupation permanente durant trois jours. Sous la canicule, un maillot détrempé est sec en 15mn chrono.
La chaleur déshydrate, elle plonge aussi les corps et les esprits dans la léthargie et il me faut bien 1h30 pour repartir en avant. A l’approche de La Charité, nouvelle petite baignade pour les gambettes dans une Loire à température tiède, et je file vers le CP2 au km 423 dans la forêt des Bertranges. L’organisation n’a pas prévu de présence, seules les nombreuses guêpes nous attendent, attirées par le combo transpiration/crème solaire. A ce point de l’épreuve, le dilemme : repartir dans un petit groupe sur une trace presque verticale vers Murat (15), ou rouler plus à l’ouest seul et passer à la maison à Montluçon. Le sacrifice se résume à quelques kms et 300m de dénivelé en sus. Une douche froide, un frigo frais et une sieste dans un lit me paraissent un choix judicieux et je repars de La Charité à 19h vers le Bourbonnais.
Rapidement le sommeil se fait lourd, il me faut m’arrêter à 21h30 à Nérondes (18) pour 1h de sommeil, puis une seconde pause à Épineuil-le-Fleuriel (18), devant l’école d’Alain Fournier, auteur du « Grand Meaulnes ». J’arrive à 3h du matin à la maison, mon plus grand fils Nils couché et endormi dans le canapé déplié du salon pour avoir voulu m’attendre. Je ravitaille comme un mort de faim, prends une douche froide et vais me coucher à 4h pour un réveil réglé à 6h. Quand on a très sommeil, et j’en ai fait l’expérience sur La Route du Diable, une cavalerie ne vous réveille pas, et je me lève en sursaut à 8h45. Pas de culpabilité, j’ai pu voir mes enfants, le réveil est frais et ce sommeil supplémentaire me sera salutaire pour la journée qui suit.
Je repars à 9h30 sur des routes que je connais bien à travers la Creuse (Evaux-les-Bains, Auzances), puis je fais mon entrée dans le Puy-de-Dôme via les Combrailles, sous un soleil encore de plomb. Arrêt à Briffons (63) à 14h30, le soleil est caché par des nuages menaçants. L’atmosphère est lourde, mais le soleil n’est plus brûlant, les orages ont fait leur effet pas très loin. Pause casse-croûte et mini sieste avant d’entamer une portion exigeante vers le Sancy et la Tour d’Auvergne puis faire mon entrée dans le Cantal via Montboudif (lieu de naissance de Georges Pompidou) et Condat. Je passe ensuite Murat et aborde le final vers le CP3 sans avoir consulté le profil altimétrique. Il faut surmonter une grimpée de 10kms dans la forêt avec des passages à 10% sur une petite route gravillonneuse, et c’est à la nuit tombante à 21h20 que j’attendrai le sommet à 1300m d’altitude au km 727.
Nous sommes quelques éléments à arriver en même temps et, après un ravitaillement sous le grondement de l’orage à proximité, c’est dans un petit groupe de 4 que je repars direction Aurillac. M’accompagnent Xavier CONSTANTIN, Clément AMANO (un des trois à faire l’épreuve en pignon fixe) et Frédéric JOUVALENKO. On fera route ensemble jusqu’à la fin, solidaires. La trace choisie nous fait monter le col du Lioran et traverser le tunnel (interdit aux vélos ?) avant de basculer jusqu’à Polminhac sur une route fraîchement détrempée par l’orage. Là Fred a réservé un emplacement au camping en famille et nous nous arrêtons quelques heures pour dormir, les uns sous tente, moi sous l’auvent de son camion.
Lundi matin 7h, on termine le descente vers Aurillac avant de poursuivre vers Maurs, Figeac puis la vallée du Lot et Villefranche-de-Rouergue atteint vers midi. Comme samedi, la chaleur est écrasante, on « jardine », la progression est lente et on décide de rester 1h30 à Monteils dans un lavoir à l’eau froide bienvenue. Nous atteignons le CP4 de la forêt de Grésignes (Tarn) au km 943 à 20h10. Après un petite pause à Villemur-sur-Tarn à 22h, on poursuit jusqu’aux environs de l’Isle-Jourdain pour une courte pause sommeil d’une heure. On a assez traîné le jour précédent, l’envie d’en terminer est là.
Mardi matin, nous reprenons Mathieu LIFSCHITZ, directeur artistique du magazine « 200 », avec qui j’ai roulé et dormi un mois auparavant et empruntons à cinq la dernière portion de l’aventure via Samatan en suivant de larges lignes droites interminables bordées de platanes. Heureusement il est tôt, il y a peu de trafic routier. Après cet intermède plat, une pancarte « La Lanne » (ça ne s’oublie pas) nous fait grimper une côte à 18% sur un kilomètre pour se hisser sur un plateau. En fait on emprunte une trace plus au nord que la trace officielle, sans commerces pendant 50km. Certains roulent à l’économie en attendant de trouver à ravitailler, ce qu’on fera à Arreau un peu plus loin à midi.
Mardi 13h, on repart vers Saint-Lary-Soulan, puis une première montée vers Aragnouet sans Clément qui monte à sa main et parfois à pied avec son pignon fixe, puis le col final de la route des lacs, avec un dénivelé de 1000m. Le pied est assez terrible avec des pentes à 13% à flanc de montagne, puis les derniers kms sont tout aussi pentus.

Les derniers lacets de l’ascension finale vers le lac d’Oredon – Crédit photo : Thomas GELÉ


C’est à 15h06 précisément que j’en termine en 3j19h13mn. Même si le temps m’importe peu, c’est à priori le 27ème chrono sur plus de 200 engagés, à 1h du 7ème temps. Je n’ai accusé aucune douleur, pas vraiment de passages à vide si ce n’est le manque de sommeil et la faim la première nuit. C’était encore une belle aventure avec des rencontres humaines, dans un petit groupe solidaire sur la seconde moitié du parcours. Le thème cette année était « L’appel des forêts », en 2021 ce sera « Voyage en Italie » inspiré de Jean GIONO, de Manosque à Florence via Venise, et j’espère en être.

A noter que Nicolas HONORÉ, licencié au CCME et en résidence secondaire à Bussière-Nouvelle, a également terminé brillamment cette première expérience en longue distance en 5j1h34mn.

Le carnet de route tamponné à chaque CP, l’écusson brodé et la bouteille de bière lotoise série limitée.

PS : dans le train du retour, j’ai fait la connaissance depuis Bourges d’un jeune homme de 93 ans (né en 1927 donc) au parcours singulier. Habitant Saint-Gaudens et originaire de Paris, il m’a raconté d’abord avoir rallié Paris à Chartres en tandem en 1948, fait l’école Boulle et posé du parquet devant la Joconde à Versailles. Son frère était entraîneur sur derny et masseur au Vel’d’Hiv auprès d’Henri LEMOINE (multiple champion sur piste) et d’un certain BABOLIN. Je m’en vais fouiller dans mes vieux « Match » et autres « Miroir Sprint » pour voir si je trouve des infos sur eux. L’aventure humaine aura duré jusqu’au terminus à Montluçon.

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