» La Route du Diable  » dans l’escarcelle de Laurent Aucouturier

Laurent nous avait habitué aux longues distances avec les différents Brevets Randonneurs Mondiaux auxquels il a participé (200km, 400km, 600km….), mais la semaine dernière il a passé un cap en prenant part à  » La route du diable « .

C’est une aventure longue distance en autonomie totale qui l’a mené du « Clos du Puits » lieu de départ à Châteauneuf-sur-Isère pour 1424 km et 22000m de dénivelé en direction des monts d’Ardèche, les Causses presque jusqu’à Béziers, puis remontée par l’Aubrac, le viaduc de Garabit, Le Lioran, le Pas de Peyrol et diagonale vers Noirétable, Lons-le-Saunier avec arrivée à Kingersheim au dessus de Mulhouse.

Le vélo – 18 kg tout compris

Parti lundi 6 juillet à 13h, avec un vélo pesant 18kg compte tenu de tout le ‘barda’ qu’il devait emporter, nous avons pu suivre quotidiennement sa progression grâce à une puce que Laurent s’est fait implanter derrière une oreille.

Le 1er jour il passait les premier et deuxième contrôles. Le 7 il était dans l’hérault par Lodève, Lamalou les Bains, et remonte vers le nord par le Tarn en direction de Rodez, à 23h il est au km 520.

Mercredi 8, grosse journée avec la traversée de l’Aubrac, les Gorges de La Tuyère en direction du Viaduc de Garabit (contrôle N07 au km 660). 13h, il arrive à St Flour où un problème mécanique va le retarder sérieusement de plusieurs heures (plaquettes de frein à changer). Il repart vers 18h en direction de Super Lioran et le Pas de Peyrol.

Le viaduc de Garabit

Jeudi 9 il repart de Dienne (km 765), passe dans le Puy-de-Dôme pour une halte déjeuner à Cunlhat (km 887). A 18h, on le situe dans le département de La Loire. A 23h le GPS le situe à Saint-Just-d’Avray (69) au km 1010 à hauteur de Villefranche-sur-Saône.

Vendredi 10 : il passe la Saône au niveau de Montmerle-sur-Saône dans l’Ain, km 1048 à 376 km de Kingersheim. 8h : la balise le situe à Châtillon-sur-Chalaronne, bien en dehors du parcours officiel. 15h45, il est à environ 15 km de Lons-le-Saunier (Jura), KM 1160. Problème électrique pour Laurent, la balise ne fonctionne plus, plus de portable, impossible de le situer, ni de le joindre.

Samedi 11 : un appel à l’organisateur dans la matinée nous rassure. Laurent est toujours sur la route pour une arrivée probable vers 15h. En fait il va arriver à 14h30 en bonne condition physique, mais comme il ne fait pas les choses à moitié, il s’est un peu perdu sur le parcours, son compteur affiche plus de 1500km.

Félicitations à Laurent, qui prépare déjà un prochain challenge  » La Born To Ride » de Rambouillet à Aragnouet dans les Pyrénées début août, avec un passage par Auzances ou la vallée de la Sioule à mi-chemin.

Laurent :  » Rassuré par le BRM600 deux semaines auparavant, je prends le départ de cette 1ère édition de La Route du Diable en me promettant de partir doucement, tant la longueur et le dénivelé s’annoncent importants, sans compter la chaleur.

  • Lundi 06/07 à 13h : départ dans la première vague, en 9ème position. Rapidement je reprends les concurrents partis avant moi, jusqu’à voir revenir dans Privas au km 100 Yannick LUTZ, sacré athlète qui a notamment été sacré Champion de France de vélomobiles à Rochechouart en 2016. En fait j’avance avec besogne, sans sensations, plombé par un repas pris trop tard (1h) avant le départ. J’ai même une bonne fringale et ne retrouverai de bonnes jambes qu’au km 170 après une pause salutaire « frites belges » à Joyeuse à la limite de la fermeture de 22h. Je roule ensuite en compagnie de Thomas DUPIN (spécialiste de la longue distance) et son binôme vers Alès puis Anduze, Saint-Hippolyte-du-Fort, Ganges et Montardier. Kristof Allegaert (belge et notamment trois fois vainqueur de la Transcontinental Race) est passé en tête et roule à une moyenne de 29km/h depuis 300km.
  • Mardi 07/07 à 05h, on enjambe le Cirque de Navacelles pour rallier le premier ravitaillement (km 312) et se restaurer. Je prends une longue pause de 2h avant de repartir en direction de Lodève, Lamalou-les-Bains puis Olargues dans l’Hérault et entamer l’ascension de deux cols dont celui de Fontfroide, rendu difficile avec un fort vent de face sur les 5 derniers kms. Après un bref passage dans le Tarn, direction plein nord. Pause sommeil de 3h environ dans un abri bus.
  • Mercredi 08/07 à 2h30, je remonte par l’Aveyron pour atteindre Saint-Come-d’Olt et le pied de l’Aubrac à 5h30. S’ensuit une longue montée de 1000m jusqu’à 1370m dans des paysages magnifiques. Vers 12h j’atteins le viaduc de Garabit puis Saint-Flour où je prends le temps de faire un premier vrai repas depuis 48h. 14h30, je dois faire changer mes plaquettes avant, totalement mortes. Je cherche vainement une boutique de cycles dont j’apprendrai qu’elle n’existe pas. Je me dirige alors à Intersport qui n’a pas les plaquettes adaptées. Je me résous à redescendre en ville basse dans un dernier magasin (Cantal Cycles, merci à eux) qui heureusement parviendra à changer disque et plaquettes. Reprise de la route à 17h, la pause aura duré 4h au total. La sortie de Saint-Flour jusqu’à Murat est un enfer pour cyclistes, c’est un flot continu de voitures et de camions, heureusement ce sera l’exception sur cette épreuve. Montée du Lioran à la fraîche puis descente vers Saint-Jacques-des-Blats et remontée difficile du col du Pertus, descente sur Mandailles et montée du col de Redondet et du Pas de Peyrol à la tombée de la nuit. 23h30, j’atteins le second point de ravitaillement au col du Jolan (km 770) pour me restaurer et dormir.
  • Jeudi 09/07 à 7h, je repars vers Allanches puis la vallée de l’Alagnon, Cunlhat, Olliergues et le Livradois-Forez. Mon GPS ne veut plus se charger, de même que mon portable, je navigue désormais au road-book papier. Les températures sont élevées, le goudron fondu claque sous les roues pour monter au Brugeron où je plonge à moitié dans un lavoir à l’eau glacée. Bascule vers Noirétable où je me pose 2h pour tenter de recharger dans un bar et acheter un câble dans un magasin d’informatique. 18h, je repars vers Neulise (42) pour un second vrai repas avec trois autres concurrents. 21h, je fais un bout de route jusqu’à Chambost Allières (69) pour une pause de 4h de sommeil en compagnie d’Alain Marion (54H sur Paris Brest Paris, super chrono) entre l’église et la salle des fêtes.
  • Vendredi 10/07 à 4h30, le réveil est difficile, j’ai l’impression d’être saoul et mettrai de longs kms à émerger, direction la Bresse et Chaneins (01). A partir de là, je commets plusieurs erreurs de parcours jusqu’au final qui vont alourdir le cumul de kms. J’atteinds Cuiseaux puis Cressia dans le Jura (km 1130) dans l’après-midi pour un repas ravito et une douche salutaires, accueilli aux petits soins par les bénévoles. Direction Arc-sous-Cicon où je dors dans un abribus en compagnie de Mathieu Lifschitz, directeur artistique du magazine « 200 » et également concurrent sur cette épreuve. Il est minuit et il est convenu de se réveiller à 4h pour entamer la dernière ligne droite. Je dors tout en étant dérangé par mon voisin qui s’agite dans son bivy, sans comprendre pourquoi. A mon réveil il fait encore nuit, j’ouvre péniblement les yeux et… personne, plus de vélo ni de bonhomme, il m’a laissé en plan, je peste. Je n’ai ni portable ni GPS, ni montre mais je devine aux premières lueurs qu’il doit être à peine 5H. J’apprendrai à l’arrivée que les bruits qui me dérangeaient venaient du fait qu’il pliait tout simplement son bivouac et qu’il avait tout tenté pour me réveiller : me parler, me secouer, jusqu’à me mettre sa frontale dans les yeux, sans succès. Ça s’appelle avoir le sommeil lourd…
  • Samedi 11/07 à 5h, dernière ligne droite donc, sauf que je manque une route encore une fois et bascule dans la mauvaise vallée jusqu’à Morteau. Il me faut remonter et faire 30km supplémentaires au total avant de rejoindre la vallée du Dessoubre où la route totalement recouverte de rustines laisse deviner que le climat y est rude en hiver. J’arrive enfin dans la banlieue de Mulhouse où, encore une fois, je perdrai du temps à chercher mon chemin pour atteindre le local du CC Kingersheim, lieu de l’arrivée de cette Route du Diable.

J’aurai mis un peu plus de 121h au total pauses comprises pour rallier l’arrivée. Mis à part les 150 premiers kms où j’avançais péniblement, une bonne fringale, ensuite ce ne fut que du plaisir : très bonnes jambes, gourmandise à avaler le relief, aucune douleur nulle part, jamais de fatigue liée au sommeil, le moral toujours bon malgré des difficultés à naviguer sans électronique qui m’auront au moins permis de discuter avec des individus que je ne connaissais que sur le papier ou à l’écran. L’objectif de terminer est atteint, désormais je vais travailler à m’arrêter moins souvent, faire des arrêts plus courts, être plus rigoureux sur le matériel. Le vainqueur, Kristof Allegaert, a mis 3 jours à peine pour parcourir les 1424km, laissant le second à 12h et les suivants à une journée. Avec quasi aucun arrêt ni pause sommeil, c’est un extra-terrestre.

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